Repas chinois semi-officiel

Publié le par Minglan

Un repas avec des directeurs
Caracteristiques d'un repas semi-officiel

 

 

Mercredi 28 septembre, j'ai ete invitee a un diner semi-officiel. Semi-officiel, car les gens qui m'invitaient avaient un statut important, mais m'invitaient dans un cadre amical. De toute facon, en Chine, les repas, meme officiels ou repas d'affaires, ont pour but d'etablir les relations ou de les consolider. Generalement on parle peu de business pendant le premier repas tout du moins, le but etant plutot de connaitre l'autre et son environnement (familial, professionnel, amical...).

Vous vous rappelez que mes camarades doctorants et moi suivons un cours en commun avec des MBA. Ces MBA sont en fait tous des directeurs importants de l'equivalent chinois de la SNCF, d'ailleurs une partie d'entre eux s'est deja rendue en France. Notre professeur a divise la classe en 6 groupes de travail. Ce soir, c'etait le groupe de travail de ma camarade qui voulait m'inviter a manger. Par ailleurs, cela arrangeait ma camarade, car elle craignait de s'y rendre seule, ne buvant, comme moi, pas d'alcool.
Je me propose de profiter de cet article pour vous donner des exemples de ce qu'il faut et ne faut pas faire lors d'un diner semi-officiel. Meme si ce que je decris va vous paraitre parfois fastidieux, ne vous meprenez pas: l'ambiance du repas a toujours ete tres chaleureuse et conviviale, et les Chinois pardonnent toujours gentiment les erreurs que nous, etrangers, faisons. Je me sentais donc assez a l'aise parmi mes hotes.

Le chef du groupe, le 组长, zuzhang, nous accueillit a 18h a l'entree du restaurant qui se trouvait au deuxieme etage d'un immeuble banal de l'universite. Je ne sais pourquoi, je m'etais imaginee qu'on mangerait ensemble dans un petit restaurant. Mais en decouvrant le restaurant, sans doute le meilleur de l'universite, avec ses tapis rouges, lustres, boiseries, et nombre de salles privees, je compris le caractere semi-officiel de mon invitation et le statut de mes hotes.
Premiere decision: normalement, j'avais cours a 19h20 et je souhaitais m'y rendre, notamment parce qu'il faut signer la feuille de presence. Mais je compris tout de suite que je ne pourrais quitter mes hotes pour aller en cours, sous peine de les vexer.

 

Places et hierarchie:

En Chine, la place a laquelle on s'asseoit est tres importante, que ce soit au restaurant ou lors d'une reunion de travail. Meme lorsque la table est ronde, il y a des regles. Mes hotes avaient reserve une grande salle privee, parce que nous etions une dizaine. Cette salle contenait un salon avec canapes, tables basses et television pour le karaoke, ainsi qu'une grande table ronde a plateau tournant (voir la photo). Lorsque nous arrivames, nos hotes nous inviterent a nous asseoir. Mais, sagement, ma camarade et moi attendimes qu'ils nous placent. Si j'ai un conseil a vous donner sur votre attitude durant un repas officiel ou semi-officiel, c'est de ne jamais prendre d'initiatives.

Nous assistames alors a un evenement amusant: le chef de groupe et un autre homme se battirent en riant, chacun tentant de forcer l'autre a s'asseoir a une place de la table situee au fond de la salle, face a la porte. En fait, cette place est la place la plus importante. Le chef du groupe, ayant gagne la bataille, s'installa lui dos a la porte. J'appris que celui qui etait face a la porte, a la place la plus importante, etait le 班长, banzhang,  "chef de classe" des MBA (donc plus important que le chef de groupe). Et un de mes voisins m'apprit aussi que la place dos a la porte s'appelait... la place de l'addition! Quand j'y songe, je me demande comment auraient agi des Francais: la, la bataille avait consiste a obliger l'autre a s'asseoir a la meilleure place, donc a ne pas payer l'addition. Tres franchement, je ne suis pas sure qu'en France la bataille n'aurait pas ete en sens inverse: obliger l'autre a payer l'addition.

Moi-meme, je fus placee a la droite du chef de classe (place a droite de la place face a la porte): c'etait la place d'honneur. Mes hotes me faisaient donc veritablement honneur, et vous comprenez qu'il ne m'etait pas possible de m'eclipser pendant le repas pour aller suivre mon cours... d'ailleurs, plus tard quand ils m'ont dit qu'ils me reinviteraient et que je leur ai dit que le mercredi j'avais cours, ils m'ont repondu en riant: "Mais dans un cours tu n'apprends rien, alors qu'avec nous tu prends de vrais cours sur la culture chinoise". Et finalement c'etait si vrai!

Ma camarade fut elle placee a gauche de la place face a porte. Mais je ne sais pas si sa place etait plus ou moins importante que d'autres. En effet, a ma droite se trouvait l'homme le plus age du groupe. J'imagine donc que sa place etait plus importante que celle de ma camarade. Mais en meme temps, celle-ci, en tant que doctorante, avait une position dans les etudes superieure a eux.

 

Hierarchie, familiarite et appellations:

Quand mes hotes se presenterent, j'essayai de les honorer par une phrase sympathique, et parfois de trouver un "surnom" correspondant a nos relations. Ces relations (关系, guanxi) me sont presentees tout de suite comme etant cordiales. La femme du groupe me dit a plusieurs reprises que je dois considerer ce groupe comme ma famille.

Cependant le chef de groupe m'appelait toujours "安小姐, An xiaojie", Melle An (安, An est mon nom de famille chinois), ce qui denotait une certaine distance, au sens ou c'etait la premiere fois que nous nous rencontrions. Par ailleurs, je pense que mes hotes ne savaient pas trop comment m'appeler, car ils ne devaient pas savoir que j'etais doctorante, ou alors le fait que je sois doctorante en France en non en Chine changeait leur perception et je n'etais pour eux qu'une "amie francaise".

Je voyais en effet bien la difference entre mon appellation et celle de ma camarade. Ils appelaient cette derniere, qui se nomme 胡 Hu, "胡博士, Hu boshi", c'est-a-dire "Docteur Hu" (j'imagine que cette appellation marche aussi avec des doctorants).

Lorsque le chef de groupe se presenta, comme c'etait avec lui que j'avais le plus parle, je voulus lui donner un petit nom. Comme son nom de famille etait 李, Li, je l'appelai: "老李, Lao Li", avant de me corriger rapidement en m'excusant et en l'appelant: "李老, Li Lao". Petite explication: le mot "老, Lao" signifie "vieux, ancien". En Chine, quand on connait bien quelqu'un de plus age que soi, on peut l'appeler "Lao + son nom de famille". Mais la, je ne pouvais me permettre d'appeler mon hote aussi familierement. J'ai donc corrige en "Nom de famille + Lao", ce qui confere une plus grande dignite. Dans le premier cas, Lao Li signifiait "Vieux Li", dans le second cas, Li Lao signifiait: "Respectable Li". Ces traits culturels sont essentiels a connaitre, car cela fait plaisir aux Chinois. Mes hotes etaient enchantes que je connaisse cette difference, je voyais qu'ils ressentaient cela comme l'honneur que je faisais envers leur culture. En fait, j'ai appris pour ma part cette difference l'annee derniere lors d'un merveilleux voyage dans le Heilongjiang avec des amies chinoises. J'avais du participer a de nombreux repas semi-officiels et j'avais appris certaines regles au fur et a mesure.

La seule femme du groupe me presente l'homme qui est a ma droite. Comme c'est le plus age de tous, elle me dit qu'on peut l'appeler "老头, Lao tou", mot-a-mot "Vieille Tete", ce qui est un nom familier que l'on donne aux personnes plus agees. Mais je ne suis pas sure que j'ai le droit de l'appeler ainsi, car je ne le connais pas bien et ai une position inferieure. Pendant le repas, je fais une petite erreur d'appellation. Comme on nous dit sans cesse que dans l'universite on est tous freres et soeurs, j'appelle a un moment ce monsieur plus age "大哥, DaGe", c'est-a-dire "Grand Frere". Mais je crois, a sa reaction, que ce n'est pas une appellation appropriee, meme si je ne pense pas l'avoir offense.

Par contre, avec un autre qui me dit qu'il est, comme moi, gaucher (chose tres rare en Chine!), je crois n'avoir pas commis d'impair en l'appelant, pour m'amuser: "Mon ami gaucher".Comme vous le voyez, comprendre sa position dans le groupe social est tres difficile, or cela compte beaucoup pour les appellations!! En effet, ils sont plus ages que moi, ont de hauts postes de direction, mais en meme temps je suis plus avancee qu'eux dans les etudes et je suis leur invitee d'honneur. Je crois que le mieux quand on ne sait pas ou qu'on est a un echelon intermediaire est de toute facon de toujours se placer en position inferieure. C'est aussi ce que fait ma camarade. Les Chinois sont de toute facon toujours tres comprehensifs envers les erreurs que nous faisons, nous etrangers.

Cependant, j'ai a present pris l'habitude de toujours poser des questions sur ce que je peux et ne peux pas faire. Par exemple, quand je dis quelque chose, je demande ensuite: "Est-ce que je peux dire cela? N'est-ce pas malpoli?". Je crois que c'est une bonne solution, car cela montre aussi aux Chinois que j'essaie de comprendre leur culture, dont ils aiment expliquer les caracteristiques.

 

 

 

Trinquer, manger et converser:

 

 


La premiere question qui vient quand nous asseyons est celle que je craignais: "Que veux-tu boire?". Je lance un timide: "Heu, du the?", tout en sachant que cela n'a aucune chance d'aboutir. Ils me proposent: 白酒 baijiu (alcool de riz), vin rouge ou biere (naturellement le vin rouge est ouvert en mon honneur). Je prefere les laisser choisir. Mais quelle erreur de ma part! Ils me disent: du baijiu, alors. Gloups, le baijiu est un alcool a plus de 50 degres! En plus, je continue a faire des erreurs (pour ma sante!): la seule femme du groupe se retrouve avec un verre contenant trop d'alcool. Elle me dit alors: "Minglan, nous sommes seulement trois femmes, alors nous sommes comme des soeurs, n'est-ce pas?" J'acquiece, et la elle ajoute: "Alors comme des soeurs nous devons equilibrer le contenu de nos verres". Aie, pas le choix, ma camarade et moi sommes obligees de lui donner notre verre, et elle verse une partie du contenu du sien dans le notre...


Le repas debute par un toast de bienvenue porte par celui qui a la place la plus importante, le chef de classe. Il nous remercie, ma camarade et moi d'etre venues, et me souhaite en particulier la bienvenue. Pour trinquer, comme la table est grande et qu'on ne peut pas tout entrechoquer nos verres, nous frappons le pied du verre contre le plateau de la table en verre. Nous buvons alors, mais comme c'est de l'alcool blanc nous ne sommes pas obliges de faire "ganbei", c'est-a-dire de vider son verre. Attention! Ne dites pas "干杯, ganbei" n'importe comment quand vous trinquez en Chine pour remplacer le mot "Sante!" en francais... en Chine, ganbei, c'est reellement vider son verre. Si vous dites ce terme, vous devez vider votre verre et vous obligez en meme temps les autres a le faire. Or tout le monde ne peut pas le faire, comme vous allez le voir en lisant une de grosses erreurs que j'ai commises pendant la soiree. Le mieux, si l'on n'est pas l'instigateur du repas, mais seulement un invite, fut-il important, c'est de ne pas prendre d'initiative.
Mes hotes me disent qu'en general il n'y a que deux moments ou l'on est oblige de vider son verre (si la personne qui dirige le repas le decide): le premier verre et le dernier.

Pour moi, le cauchemar de l'alccol ne fait que commencer. Comme je suis francaise, mes hotes me font plus d'honneur qu'a ma camarade, cela signifie donc qu'ils veulent trinquer avec moi. Pour trinquer avec moi, ils se levent en tendant leur verre vers le mien, et en me souhaitant la bienvenue. Phrase a laquelle on doit invariablement repondre par des remerciements. Comme chacun d'entre eux vient d'une province differente de la Chine, j'essaie en plus de dire quelque chose de gentil sur cette province.
On ne peut pas trinquer avec n'importe qui: cela doit toujours etre de l'inferieur vers le superieur, ou l'inverse, mais pas deux inferieurs ensemble, sauf si les gens se connaissent. Par exemple je n'aurais pas pu inviter ma camarade a trinquer.
Lorsque l'on trinque, la place du verre compte et marque la position hierarchique: il s'agit toujours d'honorer son interlocuteur et d'affirmer sa propre humilite et placant son verre plus bas que celui de l'autre. Naturellement, cela est naturel d'agir ainsi si l'on est en vrai position d'inferiorite. Mais meme a statut egal, ou dans un cadre amical comme c'est le cas avec moi, on s'amuse souvent a ce petit jeu (que j'adore!). Comme le but est de descendre plus bas que l'autre, souvent on descend alternativement les deux verres jusqu'a terre! La, on se contente de descendre jusqu'au plateau de verre de la table. La encore, mes hotes apprecient beaucoup le fait que je connaisse ce trait culturel. Ils sont tres gentils avec moi, ils ne m'obligent jamais a vider mon verre (car apres l'alcool de riz on passe au vin rouge). Mais comme il y a beaucoup d'hotes pour la seule Francaise que je suis, vous imaginez aisement le nombre de fois ou je dois trinquer.


Heureusement, mes deux voisins, a gauche et a droite, prennent soin de moi. Des qu'un nouveau plat arrive, ils m'en mettent une partie dans mon assiette. Les plats sont tous plus delicieux les uns que les autres et refletent la finesse et la diversite de la (grande) cuisine chinoise. En effet, comme mes hotes viennent chacun d'une province differente (Jilin, Sichuan, Shanghai, mais aussi Guizhou et bien d'autres), ils ont commande des plats venant d'un peu partout en Chine. Comme je deviens de plus en plus rouge, ils me font manger pour m'aider et je les remercie souvent de leur attention. Ils me protegent aussi parfois: par exemple vers la fin du repas, d'autres personnes viennent nous dire bonjour, dont l'un enseigne a Tsinghua. Du fait de sa position plus importante, il fait boire tout le monde, et il souhaite que je fasse "ganbei", vider mon verre, comme les autres. Mais j'en suis vraiment incapable, ma tete tourne deja trop, alors mes hotes lui expliquent que j'ai deja beaucoup bu, et je m'en tire avec des excuses et une petite gorgee de mon verre.


Les sujets de conversation a table sont souvent les memes: la nourriture, les differences culturelles, entre pays mais aussi entre les differentes provinces chinoises (or la, c'est merveilleux car toute la Chine est devant moi!). Naturellement, la conversation porte beaucoup sur la France, comme plusieurs d'entre eux s'y sont rendus. Je leur demande s'ils trouvent les Francais romantiques, et ils me disent "Oh, oui!". Ils abordent en riant le sujet des femmes francaises. Ils me disent que je devrais leur en presenter, surtout au chef de groupe (qui est peut-etre divorce?). Je commets alors deux petites erreurs du au fait que j'ai trop bu et ne sais pas trop comment me depetrer de la situation. La premiere fois, je dis que je suis desolee, car toutes mes amies francaises sont mariees, et j'ajoute qu'il est facile de trouver de belles francaises: "Il y en a partout dans les trains... euh, pardon, dans la rue!!" (j'ai confondu "铁路, jielu", chemin de fer, et "马路, malu", la rue). Mais parler de la rue est pire, je viens en fait de leur dire d'aller chercher des prostituees dans la rue. Ils eclatent de rire pendant que je me confonds en excuses. Ensuite, ce n'est pas mieux. La femme me dit que je devrais me trouver un mari chinois (je l'attendais, celle-la, car en Chine il est inconcevable pour une femme d'etre celibataire). Comme je crains qu'elle ne me propose de me presenter des pretendants, j'avance timidement que je suis divorcee (le divorce est mal vu en Chine, et avant je ne disais pas que j'etais divorcee; mais a present je prefere etre franche, et par ailleurs beaucoup de Chinois divorcent aussi a present). Mais ma technique ne fonctionne pas: la femme me dit: "Mais ce n'est pas grave!" en expliquant a ses collegues: "Elle sait qu'en Chine le divorce est mal vu et elle est genee", et au regard que me lance le chef de groupe je me demande s'il ne songe pas a me demander en mariage! La femme reprend alors: "Est-ce que tu aimes les hommes chinois?" Et moi m'embrouillant encore plus, parce que je sais que si je reponds "oui" on va me presenter des gens, j'essaye de parler d'aimer au sens amical et sors alors: "les garcons, les filles, j'aime tout en Chine".... Suis-je si pompette que ca pour sortir une telle reponse?? Je me rattrape aussitot en disant: "J'aime tout en Chine, les objets, les gens, la culture"... Mais je crois qu'ils ne m'ont pas tres bien comprise. Au secours!!!
Dans l'ensemble, j'essaye d'honorer chacun de mes hotes, mais je ne pense pas toujours a dire des choses agreables (il faut dire aussi que mon esprit s'embrouille au fur et a mesure que je vide mes verres). Par exemple, a l'homme qui se presente comme etant gaucher, j'aurai du dire que les gauchers sont tres intelligents. En meme temps, cela aurait ete sans doute malpoli, car comme je suis gauchere aussi, je me serais fait un compliment a moi-meme.


Mais ne faites pas trop de compliments si vous ne voulez pas boire! A un moment je dis a mon voisin de droite que j'aime beaucoup les trains chinois et que je les trouve plus propres que les trains francais (je voulais parler des trains rapides, bien sur, mais je ne sais pas s'ils ont compris). Mon voisin est visiblement tres heureux... et du coup, m'invite a trinquer!

 

Jeux de boire et de pouvoir:

Nous jouons a plusieurs jeux, dont le but sous-jacent est de structurer le groupe et renforcer la place de chacun.
Un premier jeu est de deviner l'age des autres. Sans le savoir, c'est moi qui initie ce jeu, car je leur demande de deviner mon age, comme je vois qu'ils me croient tres jeune. On m'explique alors les regles (qu'ils viennent peut-etre d'inventer, mais je ne crois pas): si la personne se trompe sur mon age, elle doit boire. Si elle tombe juste (ou si elle devine a exactement +5 ou -5?), je dois boire. Si elle tombe juste, je dois en plus me lever pour aller trinquer avec elle. Bon, ca va, ils me donnent tous de 20 ans a 25 ans. Seul mon voisin de droite dit 26 ans car il sait que je suis en doctorat. Comme me dit la femme, c'est moi qui aie le pouvoir car personne n'arrive a deviner mon age. Je trouve ce jeu tres amusant!!!... jusqu'a ce qu'ils decident d'un commun accord de me faire deviner leur age! C'est terrible, moi toute seule contre une dizaine de personnes! Je me trompe a chaque fois (je dis 45 ans quand la personne en a 35, 37 ans quand elle en a plus de cinquante!), et a chaque fois, je dois boire. Je suis saoule, mais j'arrive encore a parler chinois, c'est le principal. Pour l'un d'entre eux, je devine son age exact: il doit donc se lever et trinquer avec moi. C'est la que je commets une grave erreur que je vous raconterai un peu plus loin.


Je decouvre un autre symbole de pouvoir un peu plus tard. En effet, un plat de poisson vient d'arriver, et mon voisin de droite depose la tete du poisson (鱼头, yutou)dans mon assiette. La femme m'explique que grace a la tete de poisson j'ai le pouvoir de decider (est-ce la tete de poisson reviendrait normalement a mon voisin de droite, le plus age (le "lao tou"))? A ce moment-la, deux hommes s'affrontent et l'un d'eux essaie de forcer l'autre a boire. On me demande ma decision, et je decide de le gracier, ce que je n'aurais peut-etre pas du faire je crois car mes hotes sont un peu decus.

 

 

 

 

Et voici l'heure de mon auto-critique: mes deux principales erreurs


La premiere sera aisee a rattraper: je ne me suis pas assez occupee de mon voisin de gauche. Le probleme, c'est que c'etait le chef de classe, la personne la plus importante.

La deuxieme est beaucoup plus grave: j'ai fait perdre la face au chef de groupe (la deuxieme personne la plus importante!). C'etait pendant le jeu sur l'age. J'ai devine son age exact, et il a donc du se lever pour venir trinquer avec moi. Comme j'avais deja pas mal bu, les autres ont voulu me rassurer en me disant qu'une gorgee suffisait. Mais je ne sais si c'etait parce que j'avais trop bu ou pour le defier pour m'amuser, j'ai vide d'un trait mon verre de vin rouge. Embarras du chef de groupe: apparemment il n'aime pas trop boire et de plus son verre est rempli d'alcool de riz, impossible pour lui de vider son verre. Les autres lui crient "ganbei", mais il retourne piteusement a sa place et essaye pour arriver a garder la face de verser une partie du contenu de son verre dans celui de son voisin, afin de pouvoir faire "ganbei". Mais son voisin refuse et lui dit de vider son verre. Toujours debout a ma place, je suis tres confuse et je me confonds en excuses en disant: "Desolee, j'ai fait une erreur!!". Mais la situation empire, les autres me disent:"Mais non, tu n'as pas fait de faute, c'est lui qui a fait une faute!!". Je ne me rappelle meme plus si finalement il arrive a boire son verre. Je sais seulement que je l'ai mis dans une position difficile, et j'emploie le reste de ma soiree a tenter  de reparer cette erreur. Lorsque j'obtiens le pouvoir de decider grace a la tete de poisson, c'est lui que je gracie en lui permettant de trinquer avec du the, mais je crois que je ne pourrai pas rattraper entierement cette erreur, meme si la prochaine fois je ferai attention a plus l'honorer que les autres.

 

 

 

 

Fin du repas et karaoke

 

Mes hotes me demandent de chanter une chanson de karaoke (il faut se preparer a ce genre de demande et apprendre quelques chansons chinoises traditionnelles, ou quelques chansons anglaises connues, comme l'air de Titanic qui marche tres bien en Chine), et malgre mon esprit complement embrume, je parviens a me lever pour aller chanter. Je finis par trouver dans le catalogue une chanson qui me convient: "花瓣雨, Huabanyu", et meme s'il me manque quelques caracteres j'arrive a m'en tirer.

Ensuite, ils se mettent a chanter des chansons plus traditionnelles. La femme m'amuse, car elle chante une chanson ou il est question des femmes "tigres" (les femmes sont considerees comme des tigres pour les hommes... mais en plus, on dit qu'un homme ne doit jamais se marier avec une femme nee sous le signe du tigre dans le zodiaque chinois). Mais quand elle chante cela, en me regardant, je ris en leur disant: "Je suis un tigre!". Ils eclatent de rire car je viens de sous-entendre que j'etais une femme hargneuse, et je rajoute: "Je suis nee tigre!". Alors la femme change sa chanson: a chaque fois que le mot tigre apparait, elle le remplace par "Minglan", mon prenom. Nous rions joyeusement. A la fin, nous chantons des chansons tous en commun, notamment une sur l'amitie en les pays (heu, ne s'agit-il pas d'une version de l'Internationale?).


Ensuite, tout se passe assez vite, nous revenons vite fait a la table, puis nous partons. Je n'ai meme pas vu que le paiement de l'addition avait ete effectue.

Comme vous l'avez compris, mes hotes m'ont beaucoup honoree pendant cette soiree. Ils m'ont demande a plusieurs reprises si je m'etais amusee (开心, kaixin) et m'ont repete de revenir manger avec eux la prochaine fois. Ainsi qu'ils me le font remarquer: "Avec ton groupe de travail, tu etudies, et avec nous, tu t'amuses".

Contrairement a ce que vous pensez peut-etre a la lecture de mes conseils sur les regles a respecter, les repas chinois sont extremement chaleureux, conviviaux et simples, au sens ou l'on y parle de sujets de la vie quotidienne. Mes hotes me disent d'ailleurs qu'en France les repas sont plus "froids". C'est sur que ce n'est pas comparable!

Ce genre de repas a aussi une fonction sociale d'etablir des relations (les 关系, guanxi). La femme du groupe insiste pour me presenter une amie a elle, "tres intelligente, qui tient une ecole"... et qui fait aussi intermediaire, 中介, zhongjie, car elle envoie des etudiants a l'etranger. Cette femme a bien retenu que j'avais travaille a l'Ambassade de France en Chine avant. Mais je lui fais remarquer que je n'y travaille plus, car je sens qu'on va me demander des "services". Ca, c'est le cote beaucoup moins drole des rapports sociaux en Chine.

Apres cette soiree, j'ai du mal a rentrer au dortoir sur mon velo, meme si j'arrive a rouler droit. Le lendemain, je decouvre pour la premiere fois de ma vie les affres de la gueule de bois, et je ne m'en suis toujours pas completement remise. Je telephone a un de mes camarades qui est un "酒鬼, jiugui" (mot-a-mot un diable du vin), quelqu'un habitue a boire: il me donne des conseils, comme manger un yahourt et boire du vinaigre. Comme il me le fait remarquer, je sais que la prochaine fois je ne serai pas obligee de boire autant. Plus les relations se font amicales et proches, moins on est oblige de respecter les strictes convenances.


Malgre ce point negatif, j'ai beaucoup apprecie ce repas. En Chine, j'aime beaucoup cette impression d'etre "en famille". Bien que les gens soient plus haut places que vous, ils vous traitent de maniere paternaliste, et non "administrative". Je me sens a l'aise dans cette atmosphere... vivement le prochain repas!

Publié dans Vie quotidienne

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